TDAH : l'importance des fonctions exécutives et de l’autorégulation
On entend souvent dire que le TDAH est un trouble des fonctions exécutives, ou que le TDAH implique une mauvaise autorégulation. Mais qu’est-ce que ça veut dire exactement ?
Parents et personnel éducatif, confrontés aux enfants (ou adultes) TDAH, entendent de plus en plus parler des “fonctions exécutives” et d’autorégulation, depuis quelques années. En effet, de nombreux livres sont sortis sur ce sujet, ainsi que des centaines d’études, consacrés à la relation entre ces concepts/idées, et le TDAH. On entend souvent dire que le TDAH est un trouble des fonctions exécutives, ou que le TDAH implique une mauvaise autorégulation. Mais qu’est-ce que ça veut dire exactement ? Quel est le lien entre ces termes, ainsi que le lien avec le TDAH ? Cela a-t-il un impact sur le manière dont on devrait gérer ce trouble ? Le but de cet article est de brièvement passer en revue ces termes, ainsi que leurs implications dans le TDAH, d’un point de vue de la compréhension de sa nature, et du choix des solutions pour les personnes concernées.
Le sous-type TDAH le plus courant, est appelé le type combiné. Plus de 2/3 à 3/4 des personnes diagnostiquées TDAH, seront placées dans ce sous-type au cours de leur enfance ou une fois adulte. Ce type de TDAH implique des problèmes significatifs avec l’attention soutenue, la persistance vers un but, résister aux distractions lors de l’accomplissement des tâches nécessaires à la poursuite d’un but, inhiber les activités non liées à cette poursuite (hyperactivité), inhiber les actions, mots, pensées, émotions qui sont soit socialement inappropriés à la situation, ou en contradiction avec ces propres buts à long terme ou encore son bien-être général.
Le terme autorégulation en psychologie, a une signification relativement définie. Il est souvent défini par la capacité qu’a un individu à gérer son comportement, dans l’objectif d’arriver à un but, mais il peut être également décomposé en trois axes. L’autorégulation implique (1) n’importe quelle action qu’un individu s’impose de manière à produire (2) un changement dans son comportement (par rapport à ce qu’il aurait fait par défaut), ce qui en résulte (3) un changement dans la probabilité d’un résultat ou réalisation d’un but. Lorsque vous entrez dans une boulangerie, et voyez la vitrine remplie de pâtisseries et viennoiseries, vous pourriez être tenté d’en acheter, mettant à mal votre objectif de perte de poids ce mois-ci. Pour gérer cette tentation, pendant qu’on emballe votre pain, vous pourriez détourner les yeux, vous éloigner des gourmandises, entamer une conversation mentale dans laquelle vous passez en revue les raisons pour lesquelles vous ne devez pas craquer, ou encore visualiser une version plus svelte de vous-même, que vous prévoyez d’atteindre dans un futur proche. Ce sont toutes des actions dirigées vers vous-même, auxquelles vous recourrez, pour minimiser le risque de succomber à la tentation et donc augmenter la probabilité d’atteindre votre objectif : perdre du poids ce mois-ci. Cette situation fait appel à des capacités cognitives distinctes, bien que dépendantes, pour être négociée avec succès. Vous devez être conscient du dilemme lorsque vous êtes entré dans la boulangerie (conscience de soi), vous devez dépasser l’envie de commander une viennoiserie en plus du pain (inhibition), vous devez rediriger votre attention, loin de la vitrine ou objet de tentation (gestion ou contrôle de l’attention), vous vous êtes parlé en utilisant votre voix interne (auto instruction verbale ou mémoire de travail), et vous avez visualisé une image de l’objectif et ce à quoi vous ressemblerez si vous l’atteignez (mémoire de travail non verbale, ou visualisation). Vous auriez également pu réfléchir à différentes manières de ne pas succomber à la tentation (résolution de problèmes), et même trouver des mots d’encouragement pour vous-même, afin d’augmenter la probabilité d’atteindre votre objectif (motivation personnelle). Ces processus cognitifs, ainsi que d’autres, sont ce à quoi nous faisons référence, lorsque l’on parle aujourd’hui d’autorégulation humaine.
Depuis la fin des années 1970, des chercheurs tels que Virginia Douglas Ph.D. (travaillant alors à McGill University), étudiant le TDAH, ont affirmé que le trouble impliquait sûrement une importante déficience dans la capacité d’autorégulation. Pourquoi ? Parce qu’ils avaient déjà commencé à documenter par de nombreuses mesures, que le TDAH impliquait des déficits d’inhibition, de gestion de l’attention, la capacité à se parler soi-même et suivre les règles, la motivation personnelle, et même la conscience de soi. Si le TDAH implique des difficultés dans ces facultés, et ce sont elles qui sont impliquées dans la régulation de notre propre comportement, logiquement le TDAH devrait être un trouble d’autorégulation. Depuis, la recherche a continué à montrer l’implication de ces déficits, ainsi que d’autres capacités cognitives essentielles à une autorégulation correcte chez les personnes TDAH, en résultant le consentement tacite que le TDAH est en fait un trouble de l’autorégulation (trouble du déficit d’autorégulation ou TDAR). Bien que le nom officiel ne sera pas changé de sitôt dans les manuels officiels, qui accordent leurs noms aux maladies mentales, il est important que les gens comprennent l’équivalence entre le TDAH et le déficit d’autorégulation.
Par ailleurs, au cours des trente dernières années, les chercheurs dont je fais partie, ainsi que bien d’autres qui étudient le TDAH, ont trouvé de manière croissante des déficits lors de tests et autres mesures des fonctions exécutives. En quoi les idées énoncées ci-dessus, concernant les problèmes d’autorégulation chez les TDAH, ont un rapport avec ces résultats, ainsi que le terme fonctions exécutives lui-même. Pour comprendre ce rapport, on doit tout d’abord avoir une définition claire de ce qui constitue les fonctions exécutives. Malheureusement, il n’y a aucun consensus à l’heure actuelle, sur la signification du terme « fonctions exécutives », bien qu’il soit utilisé très souvent dans des articles, présentations, et livres sur le TDAH. Une définition souvent utilisée dans la communauté TDAH, est la suivante « les processus neuropsychologiques nécessaires à maintenir la résolution de problèmes dans la poursuite d’un objectif ». Nous pouvons à présent voir le lien potentiel entre les FE et l’autorégulation, puisque qu’ils ont une définition proche voire similaire. Les deux impliquent des actions vers un but, dans le futur. Les deux impliquent de maintenir des efforts au cours du temps pour l’accomplissement d’un objectif. Et les deux impliquent la résolution de problèmes, partie intégrante des actions vers l’objectif. De plus, si on regarde une liste des processus cognitifs, cités les plus souvent comme faisant partie de la notion de FE, on retrouve : inhibition, résistance aux distractions, conscience de soi, mémoire de travail, contrôle des émotions et même la motivation. Ce sont les capacités cognitives déjà citées comme essentielles à l’autorégulation. En 1994, puis ensuite en 1997 dans un livre sur le TDAH, je soutenais l’idée de ce lien entre FE et autorégulation. En effet, je faisais remarquer que chaque fonction exécutive pouvait être vue comme un type d’autorégulation – une classe d’actions que les personnes dirigent vers elles-mêmes pour changer leur comportement afin de changer une conséquence future, ou la réalisation d’un objectif. En bref, une FE, est un type d’action spécifique, dirigé vers soi-même, dont le but est l’autorégulation. Nous pouvons donc prendre chaque fonction exécutive, identifiée par les chercheurs, et la redéfinir en tant qu’action dirigée vers soi. L’inhibition devient le contrôle de soi, la conscience de soi devient l’attention que l’on porte sur soi, la mémoire de travail verbale devient le discours interne (lorsqu’on se parle à soi-même, utilisant généralement sa « voix interne »), la mémoire de travail non verbale devient se voir, ou visualisation, ainsi que des sensations internes (réentendre des conversations, ressentir des odeurs ou des goûts que vous avez déjà goûtés par le passé, etc). La résolution de problèmes peut être vue comme un jeu dirigé vers soi-même (déconstruire et ré-assembler des choses ou idées pour créer de nouveaux assemblements). Une fois adulte, ceux-ci sont en grande partie non visibles par les autres, ils forment des représentations mentales, les personnes y font appel de manière privée, à soi-même, dans leur pensées (cerveau). La mémoire de travail et la résolution de problèmes sont en fait la manière dont on se représente, et manipule mentalement les informations par la pensée (utilisant des images et des mots). En bref, les différentes FE sont utilisées pour s’autoréguler dans la poursuite d’un but (changer des conséquences futures). FE=AR. Nous comprenons à présent que si le TDAH est le TDAR (trouble du déficit d’autorégulation) alors le TDAR est également TDFE (trouble du déficit des fonctions exécutives). Ce ne sont simplement que des termes interchangeables, pour le même type de problèmes. Les personnes TDAH présentent d’importantes difficultés pour utiliser les FE, dans le but de s’autoréguler pour atteindre un objectif.
Nous comprenons donc à présent que le TDAH implique plus que les symptômes évidents que sont l’inattention/ distractibilité et l’impulsivité/ hyperactivité, tels que décrits dans le DSM IV ( Manuel diagnostic et statistique des troubles mentaux 4ème édition). Il est à présent évident que les difficultés psychologiques qui produisent ces symptômes impliquent des déficits dans les FE majeures, et chacune de ces FE est un type d’AR – un type d’action dirigé vers soi-même. Le TDAH implique donc des difficultés à se restreindre, de conscience de soi, de discours internes, de sensations internes et visuelles, de contrôle des émotions, de motivation, de « jeux internes» destinés à la résolution de problèmes. Parce que ces difficultés sont probablement liées à des retards de développement dans l’acquisition de ces capacités cognitives, et non l’absence complète de ces capacités, comme il pourrait survenir lors de graves traumatismes au cerveau, ce qui différencie l’individu TDAH d’un autre individu, est qu’il semble moins mature (comportement attendu à un à un âge donné) dans la capacité à s’autoréguler (FE) dans la poursuite d’un but ou pour agir sur le futur de manière générale. Si vous devez aider une personne TDAH, vous devez l’aider à rattraper ces retards, ou au moins les compenser (trouver des stratégies), afin qu’elle réussisse à se gérer, qu’elle accomplisse ses tâches ou buts, et se préparer au futur de manière générale.
Les troubles des FE ou d’AR, comme le TDAH, sont source de consternation pour les professionnels de la santé mentale et de l’éducation, car ce sont des troubles de la performance et non de la connaissance et des capacités. Les professionnels de la santé mentale et de l’éducation sont plus habitués à partager des connaissances – aider à changer ; ils ne sont pas experts dans la manière d’ajuster l’environnement pour faciliter la performance – quand et où changer. Au cœur du problème : comment faire pour qu’une personne agisse d’une certaine manière, alors même qu’elle sait qu’elle devrait agir ainsi, mais cela est peu probable, elle n’en est pas capable, ou n’a pas envie d’agir de la sorte. Partager des connaissances n’est pas aussi efficace que de changer les paramètres associés à l’accomplissement d’un comportement au point de performance. Ajoutons à cela, que l’accomplissement d’un comportement ne sera effectif que du moment que les ajustements dans l’environnement, ou les méthodes de compensation sont maintenus. S’attendre à des résultats différents, constituerait une approche dépassée et inefficace dans la gestion des déficits des FE, ou une ancienne et mauvaise compréhension de la nature même des FE et les difficultés qui en découlent.
A partir de ces postulats, sur la façon de comprendre le TDAH comme étant un trouble d’AR, certains principes de gestion des déficits des FE sont :
1- Si le processus de régulation des émotions par des représentations internes de l’information (mémoire de travail ou intériorisation des comportements) est altéré ou en retard chez les personnes ayant des déficits de FE, alors ils seront aidés en « extériorisant » ces formes d’information ; avoir à disposition des représentations physiques de ces informations dans l’environnement, seront nécessaires au point de performance. Comme les informations internes, contenues par la pensée, ne sont pas une forte source de stimulation ou contrôle, rendre l’information externe et publique, peut améliorer le contrôle du comportement par cette information.
2- L’organisation du comportement de l’individu au cours du temps, est le facteur le plus handicapant de ce trouble. Les déficits de fonctions exécutives sont à l’origine de problèmes avec le temps, le timing, de comportements appropriés à un moment donné, de telle manière qu’ils sont au temps ce que la myopie est à la vision spatiale ; ils créent une myopie temporelle dans laquelle le comportement de l’individu est gouverné plus que la normale par des événements proches ou immédiats temporellement ainsi que par le contexte présent, plutôt que par des informations internes qui concernent le long terme, des événements futurs. Cela nous aide à comprendre pourquoi les personnes ayant des déficits de FE, prennent les décisions qu’elles prennent, aussi « inconscientes » ou non productives que cela puisse paraître pour les observateurs. Si on n’a que peu d’égards pour les événements futurs, alors notre comportement favorisera les récompenses ici et maintenant, évitera les difficultés immédiates, les situations inconfortables, sans se préoccuper des conséquences futures de ces actions. Les personnes ayant des difficultés de fonctions exécutives peuvent être aidées en faisant en sorte que le temps soit plus représenté de manière extérieure, en réduisant ou éliminant les intervalles de temps lors d’événements imprévus nécessitant des comportements en conséquence (événement, réponse, résultat), ou en intervenant lors de ces intervalles temporels dont dépendent des événements futurs, par l’aide d’un parent ou autre personne.
3- Etant donné que notre modèle fait l’hypothèse de déficits de génération et représentation interne de la motivation, qui sont nécessaires aux comportements vers un objectif, les personnes ayant des déficits de FE auront besoin qu’on leur procure des sources de motivation externes. Par exemple, l’utilisation de récompenses artificielles, comme des jetons, pourrait être nécessaire, tout au long de l’accomplissement d’une tâche ou autre comportement vers un but, en l’absence ou quand il y a peu de conséquences immédiates associées. Ces programmes de récompenses artificielles, sont pour la personne ayant des déficits de FE, ce qu’un membre artificiel est pour une personne physiquement handicapée, lui permettant une meilleure performance lors de tâches ou dans des environnements donnés, dans lesquels ils auraient sinon rencontré de grandes difficultés. Les troubles de la motivation engendrés par les déficits de fonctions exécutives, rendent de telles prothèses motivationnelles presque obligatoires pour la plupart des enfants concernés, et peuvent également être utiles pour les adultes ayant ces déficits de FE. En rapport avec cette idée de déficits motivationnels, liés aux troubles de FE, nous retrouvons la littérature concernant la capacité d’autorégulation, et capacité à fournir des efforts (volonté), qui sont associés aux activités d’autorégulation. Il y a beaucoup de travaux et de ressources sur ce sujet, qui ont été laissés de côté par les neuropsychologues étudiants les FE, bien qu’il y ait un lien direct avec les FE, étant donné le lien que nous faisons ici entre FE et l’AR. Les résultats de la recherche indiquent que chaque implémentation d’AR (donc FE) pour tout type d’AR (mémoire de travail, inhibition, planification, raisonnement, résolution de problèmes, etc.), réduit temporairement cette réserve de volonté limitée, donc chaque recours de manière prolongée à l’AR, réduit significativement cette réserve disponible. Cela conduit à ce qu’un individu ait des difficultés à s’autoréguler après qu’un effort ait déjà été fourni, conduisant à de plus grandes difficultés, voire un échec d’autorégulation, et de résistance à une gratification immédiate. De tels épuisements temporaires, peuvent être exacerbés par le stress, l’alcool ou d’autres drogues, une maladie, ou même des niveaux bas de glucose dans le sang. La recherche indique également quels facteurs peuvent aider à remplir de nouveau cette réserve comme par exemple l’exercice physique, prendre régulièrement des pauses de 10min dans les situations qui font particulièrement appel à l’AR, méditer ou faire une relaxation de 3min après de telles activités gourmandes en AR, visualiser les récompenses ou résultats lors de ces activités, prévoir des petites récompenses périodiques lors de longues tâches dans des environnements faisant appel à l’AR, se parler à soi-même avec des affirmations positives avant et pendant ces tâches, faire l’expérience d’émotions positives, et consommer des boissons riches en glucose au cours de la tâche. Certains résultats indiquent que la capacité même de cette réserve motivationnelle peut être boostée par la pratique régulière d’une activité physique, ou par la pratique régulière d’activités faisant appel à l’AR, tous les jours pendant deux semaines. Grâce à ce phénotype élargi des FE vue comme de l’AR, ces résultats de la recherche en psychologie sur l’AR, sont directement pertinent aux FE, et leurs troubles.
4- Etant donné les informations ci-dessus, les cliniciens devraient rejeter les approches thérapeutiques pour les personnes ayant des déficits de FE qui n’impliquent pas d’aider le patient particulièrement au point de performance. Le point de performance désigne ce moment donné dans le temps et l’environnement habituel de la personne, où il échoue à faire appel à ce qu’il sait – où il échoue à utiliser avec succès ces FE (ou AR). Un suivi, toutes les semaines, qui n‘implique pas d’introduire des compensations au point de performance dans l’environnement naturel, n’a que peu de chances de succès avec un individu ayant des déficits de FE. Cela ne veut pas dire qu’un entraînement intensif ou un ré-entraînement au niveau instrumental des FE, comme pour un entraînement de la mémoire de travail, n’aura pas de résultats court terme. Il a été montré que de tels entraînements augmentent la probabilité d’utiliser les FE/ AR et boostent la capacité de réserve d’AR chez un individu normal.
Cependant, une autre implication découle de la gestion des déficits des FE, si l’on prend la perspective, qu’ils sont en fait assimilables à l’AR. Cette implication est que seul un traitement peut apporter des améliorations, ou une normalisation des causes neurologiques et même génétiques sous-jacents, des déficits de FE. A l’heure actuelle, le seul traitement connu pouvant agir dans ce sens, est un traitement médicamenteux, comme les médicaments stimulants ou non stimulants comme l’atomoxétine ou la guanfacine XR, qui améliorent et normalisent le fonctionnement neuronal dans les régions préfrontales et les réseaux associés, qui sont suspectés d’être à l’origine de ces déficits. Les résultats de la recherche à l’heure actuelle, indiquent que l’amélioration ou normalisation des FE, est une conséquence temporaire d’un traitement par médicaments stimulants, cependant uniquement pour la durée durant laquelle le médicament est dans le cerveau. Par exemple, la recherche indique une amélioration clinique des comportements dans 75 à 92% des cas chez les personnes TDAH, et une normalisation des comportements dans à peu près 50 à 60% des cas, en moyenne. Le modèle des FE, développé ici, implique donc que les médicaments sont non seulement un traitement efficace pour gérer les déficits de certaines FE, mais ils sont aussi sûrement l’approche prédominante en terme de traitement parmi ceux disponibles, car ils sont les seuls qui ont prouvé à l’heure actuelle une amélioration/ normalisation, bien que temporaire.
Nous pouvons également avancer que si les déficits de FE résultent du sous-contrôle du comportement par les représentations internes de l‘information (FE), alors cette information doit être « extériorisée » le plus possible, lorsque possible, aux points critiques de performance dans l’environnement naturel. « Extérioriser » l’information signifie la rendre physique dans l’environnement. Les formes de représentation interne de l’information, générées par le système des FE, lorsqu’elles le sont, semblent être très faibles dans leur capacité à contrôler et maintenir un comportement chez les personnes ayant un déficit des FE, ce qui altère le comportement vers le futur. L’imagerie visuelle dirigée vers soi, l’audition, ainsi que les autres activités internes destinées à refaire appel à des sensations qui forment la mémoire de travail non verbale plus le discours interne, s’ils sont fonctionnels à certains moments et dans certains contextes, ne produisent pas suffisamment d’information ou de force pour contrôler le comportement dans le cas de ce trouble. Ces comportements restent en grande partie dépendants des aspects de l’environnent immédiat. La solution à ce problème, n’est pas de demander aux personnes ayant des déficits de FE de faire plus d’efforts ou de se rappeler ce sur quoi, ou vers quoi elles doivent travailler. Elle doit être d’agir sur le contexte immédiat, en le remplissant de rappels physiques externes, comparables à leurs homologues internes qui ne sont pas effectifs. En d’autres termes, les cliniciens aidant les personnes ayant des déficits de FE, doivent battre l’environnement à son propre jeu. Les sources de distractions très attrayantes qui détournent, pervertissent, empêchent de se concentrer sur les représentations mentales de l’information dirigées vers l’accomplissement d’une tâche et le comportement qu’ils induisent doivent être minimisés, lorsque possible. Ils doivent être remplacés par des indices, instructions, ou autres types d’information tout aussi clairs et attractifs mais directement en lien avec la tâche, ou partie de la tâche à accomplir. Ces informations externes, doivent indiquer à l’individu de faire ces choses, qu’il est en mesure de faire.
Si les règles acceptées durant les activités professionnelles ou éducatives, par exemple, ne semblent pas contrôler le comportement de l’individu, elles doivent être physiquement extériorisées. Ces règles peuvent être extériorisées en plaçant des panneaux à l’école ou dans l’environnement de travail où ces règles s’appliquent, et faire en sorte que l’adulte s’y réfère régulièrement. Faire répéter à l’oral, à l’adulte, ces règles, avant et pendant ces temps concernés peut aussi être utile. Il est également possible, de faire un enregistrement audio, que l’enfant, ou l’adulte peut écouter avec des écouteurs pendant qu’il travaille. Le but de cet article n’est pas de faire la liste, ou de décrire en détail, les nombreux traitements qui découlent de ce modèle. Cela est fait dans mes autres livres. Mon intention ici est de simplement énoncer les principes sous-jacents – entourer l’individu d’informations externes, dans son champ sensoriel, qui permettent de mieux guider son comportement vers les activités appropriées. Grâce aux connaissances que nous apportent ce modèle, ainsi qu’un peu d’ingéniosité, de nombreuses formes de ces informations représentées mentalement, peuvent être extériorisés, pour une meilleure gestion des enfants et adultes ayant des déficits de FE, comme c’est le cas chez les TDAH.
L’une de ces formes de représentation interne de l’information, qui doit être à tout prix extériorisée, ou complètement éliminée de la tâche en question, est celle liée au temps. Comme indiqué précédemment, le temps et le futur sont des ennemis des personnes ayant des déficits de FE, lorsqu’il est question de l’accomplissement d’une tâche, ou d’avancer vers un but. Une solution évidente, est donc de réduire ou éliminer ces éléments problématiques d’une tâche, lorsque possible. Par exemple, au lieu d’attribuer des objectifs comportementaux ayant de grands intervalles de temps entre ces éléments, à une personne ayant des déficits de fonctions exécutives, ces intervalles de temps devraient être réduits lorsque possible. En bref, ces éléments devraient être plus rapprochés dans le temps. Au lieu de leur dire que le projet doit être bouclé dans un mois, aidez-les à faire un pas par jour vers cet objectif final, de manière à ce que quand arrive la deadline, le travail a été fait, mais fait au cours de petites périodes journalières, avec des retours immédiats et des petites récompenses pour l’avoir fait.
Cependant, il y a un avertissement majeur à prendre en compte avec l’extériorisation de ces formes internes de représentation de l’information. Cet avertissement vient de la partie du modèle impliquant l’AR et la motivation (la vigilance, l’éveil mental) : quels que soient les efforts des cliniciens, éducateurs, parents, pour extérioriser les indications, instructions, des formes internes d’information par lesquels ils souhaitent que la personne ayant des déficits de FE soit guidée (stimuli, événements, règles, images, sons, etc.), ils risquent de n’être que partiellement efficaces. Et même si cela fonctionne, ce ne sera que temporairement. Les sources internes de motivation doivent être fortement renforcées également par des sources externes de motivation. Ce ne sont pas uniquement les sources d’information générées intérieurement, qui sont déficitaires chez les personnes ayant des troubles des FE. Ce sont les sources de motivation générées intérieurement associées, qui sont également déficitaires. Ces sources de motivations sont critiques pour générer un comportement vers un but, le futur, un résultat en l’absence de motivation externe dans l’environnement immédiat. Adresser une forme d’information interne, sans adresser l’autre, est la recette pour un traitement inefficace. Quiconque désirant traiter les personnes ayant des déficits de FE, doit comprendre que les sources de motivation doivent aussi être extériorisées dans le contexte dans lequel la tâche doit être accomplie, les règles respectées, les buts poursuivis. Se plaindre auprès de ces individus de leur manque de motivation (paresse), de vision, de volonté, ou d’autodiscipline, ne sera pas suffisant pour corriger le problème. Ne pas les aider, et laisser les conséquences naturelles de leur comportement se produire, en espérant que cette leçon produira un changement dans leur comportement, est également voué à l’échec. Au lieu de cela, des moyens artificiels pour créer des sources externes de motivation doivent être prévus au point de performance, dans le contexte dans lequel un travail ou un comportement est désiré.
Les méthodes de modification du comportement sont particulièrement bien adaptées pour arriver à ces résultats. De nombreuses techniques existent, dans ce registre de traitement, qui peuvent être utilisées avec les enfants et adultes ayant des déficits de fonctions exécutives. Ce qui doit être admis, selon ce modèle du TDAH, est que (1) les sources de motivation générées intérieurement sont faibles, et ne suffisent pas à initier et maintenir un comportement vers un but ; (2) des sources de motivation externes, souvent artificielles, doivent être prévues au point de performance ; et (3) ces formes de motivation compensatoires, prothétiques doivent être maintenues au cours du temps.
Pour conclure, cet article a tenté de montrer que le TDAH est un trouble de l’autorégulation. L’autorégulation suppose qu’un individu ait des fonctions exécutives (FE) intactes. Les FE sont un type d’AR ou d’actions dirigées vers soi, que les personnes utilisent pour se gérer efficacement, pour maintenir leurs actions (et la résolution de problèmes) vers leurs objectifs et le futur. J’ai essayé de démontrer que le TDAH est à la fois un TDAR (trouble du déficit d’autorégulation) et donc aussi un TDFE. En comprenant la relation entre ces deux termes, nous pouvons également comprendre que les personnes TDAH ont des difficultés à utiliser les représentations mentales d’actions dirigées vers elles-mêmes, que nous utilisons tous pour nous auto-gérer efficacement dans la poursuite de nos objectifs et nos intérêts long terme. Pour traiter les problèmes liés au TDAH, nous devons comprendre qu’il implique des déficits dans les FE, et que ces déficits peuvent être compensés par une modification de l’environnement ainsi que d’autres stratégies de manière à soutenir et aider la personne à utiliser son contrôle de soi.
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Merci pour cet article. J’aimerais en savoir plus sur la TDAR des enfants