Pensées sur la confiance, la trahison, la naïveté, le cynisme et le courage.

Faites preuve de courage, le courage est contagieux.

écrit à partir d'interventions de jordan peterson

Comment faire face à l’informe chaos du potentiel ?
L’ordre dans lequel on vit peut à tout moment se dissoudre dans ce chaos.

Dans l’enfer de Dante, nous sont comptés les différents niveaux de l’enfer.

Par ces représentations Dante voulait faire la lumière sur ce qui constitue le mal, et c’est donc un travail de psychologie auquel il s’est attelé.

Dans cette œuvre, Dante nous explique qu’il y a de nombreux comportements répréhensibles. Mais il y a une hiérarchie des comportements répréhensibles. Et il y a quelque chose tout en bas, qui est le pire absolu. Pour Dante, c’est la trahison.
Et je crois qu’il a raison, car ce qui permet une coopération paisible à long terme, entre les individus, c’est la confiance. Je rajouterai même que la confiance est la plus importante des ressources. Il y a eu de très bons livres écrits sur l’intérêt économique de la confiance. Et les sociétés où la confiance est le présupposé par défaut à tout échange sont en général riches, même en l’absence de ressources naturelles.

Le phénomène eBay en est un exemple, et dans un sens un miracle. Car ce qui aurait dû se passer avec eBay, c’est l’envoi de « camelote », contre un chèque en bois pour paiement. Et cela aurait été la fin d’eBay. Mais ce n’est pas ce qui s’est passé. La transaction standard fut tellement honnête, que les assurances associées ont disparues. Car au départ, vous pouviez faire appel à des assureurs, vous payiez à un tiers une commission et il garantissait la transaction, mais ils ont immédiatement disparu.
Donc tout ce « capital gelé » pourrions-nous dire, toutes ces choses traînant chez vous et dont quelqu’un quelque part pourrait avoir besoin, se sont transformées en argent. Et la seule la raison pour laquelle cela a fonctionné, c’est que les gens se sont fait confiance.

La confiance est donc une ressource économique extrêmement puissante, peut-être la plus puissante des ressources économiques.

Par ailleurs, si vous êtes en relation avec quelqu’un, celle-ci est basée sur la confiance.
La raison pour cela, c’est que la confiance est ce qui nous permet de nous regarder sans détaler en hurlant. Ce que je veux dire par là, c’est que si je vous fais confiance, je n’ai pas besoin de prendre en compte votre complexité, car vous êtes un être horriblement compliqué – Un chimpanzé empli de serpents, voilà ce qu’est l’être humain –
Et tant que vous faites, ce qui vous aviez dit que vous feriez, je peux vous croire sur parole, et votre parole vous simplifie.
Et vous pouvez me croire sur parole, et ma parole me simplifie.
Et nous pouvons communiquer comme si nous nous comprenions, même si ce n’est pas le cas.
Mais si vous me trahissez – très rapidement, tous les serpents apparaissent –
Et je pense que vous avez tous déjà été trahis, d’une manière ou d’une autre.

Si vous êtes en relation avec quelqu’un, et que vous lui faites confiance, ce qui se passe, c’est que vous émettez des hypothèses sur le passé, des hypothèses sur le présent, et des hypothèses sur le futur. Donc tout est stable, vous êtes sur la terre ferme. Le chaos, c’est quand vous êtes sur une fine couche de glace. Mais là le chaos est caché, le requin sous la vague n’est pas là, car vous êtes dans le bateau.
Mais si quelqu’un vous trahit – par exemple si vous êtes en couple et que vous découvrez que la personne vous trompe – vous passez d’un endroit où tout est garanti, à un endroit complètement différent, car vous aviez basé votre perception du monde sur cet axiome de la confiance.
Non seulement cet endroit est différent maintenant, mais l’endroit où vous étiez il y a des années est différent, et l’endroit où vous serez dans quelques années est lui aussi différent. Et toutes ces certitudes, ces certitudes sur lesquelles vous vous basiez, peuvent s’effondrer dans une extrême complexité.

Si quelqu’un vous trahit, vous êtes amenés à penser : Qui es-tu ?
Car tu n’es pas la personne que je pensais, et je pensais te connaître.
Mais en fin de compte je ne te connais pas du tout. Et je n’ai jamais su qui tu étais.
Et toutes les choses que je pensais que nous avions vécues ensemble, n’étaient pas la réalité, en fait la réalité était tout autre.
Vous êtes quelqu’un d’autre, et je suis quelqu’un d’autre, car je pensais être une personne qui comprenait ce qui se passe, et visiblement ce n’est pas le cas.
Je suis un aveugle idiot, ou la victime d’un psychopathe, ou quelqu’un de tellement naïf que je peux à peine survivre.
Et je ne comprends rien à la nature humaine, et je ne comprends rien à ma propre nature.
Et je n’ai aucune idée où je suis en ce moment. Je pensais être à la maison, mais ce n’est clairement pas le cas. Je suis dans une maison mais elle est emplie d’inconnus.
Et je ne sais pas ce que je vais faire demain, ou la semaine prochaine, ou l’an prochain.

C’est comme si toute cette sécurité, cette sécurité dans laquelle je vivais, s’effondrait – pour retourner à l’état de chaos d’où elle avait émergé.

C’est quelque chose de terrifiant. C’est le voyage jusqu’aux enfers, d’un point de vue mythologique. Les voyages jusqu’aux enfers sont très communs dans les histoires, comme dans celle du hobbit de Tolkien. Les voyages jusqu’aux enfers se produisent très souvent, mais les gens modernes ne comprennent pas ce qu’est l’enfer.
Sauf que nous y sommes déjà tous allés, et nous y allons régulièrement. Nous y allons chaque fois que la sécurité, la stabilité sur laquelle nous avions prédiqué notre monde se brise. Elle se brise par l’apparition d’un serpent – c’est en tout cas une manière de conceptualiser les choses. Et c’est une bonne manière de voir les choses vous savez. Car quel que soit le soin avec lequel vous avez construit votre espace habitable, autour de vous, il y a toujours quelque chose que vous n’aviez pas pris en compte. C’est notre état permanent dans la vie. Il y a toujours quelque chose qui pourrait montrer son hideuse tête, il y a toujours quelque chose qui pourrait vous mettre face à votre propre mortalité, ou même vous achever.

Et je rajouterai ceci à propos du courage, qui me viens de mon expérience de thérapeute : beaucoup des personnes qui font confiance sont naïves.
La naïveté n’est pas une vertu, c’est un défaut. En effet si vous croisez le chemin d’une personne malveillante (et cette personne pourrait être vous-même), elle peut vous nuire à un degré incalculable, au point où vous pourriez ne jamais vous en remettre. Donc ce n’est pas une bonne chose, vous ne voulez pas être naïf.
Si vous n’êtes pas naïfs, cela veut dire que vous vous êtes brûlés une fois ou deux, peut-être 3, 4 fois. Et lorsque vous vous êtes fait brulés de la sorte, il devient difficile de faire confiance, car vous vous dites :
« Pourquoi vous ferais-je confiance, ou me ferais-je moi-même confiance, sachant que trop bien que je pourrais être trahi ».
Vous devenez donc cynique.
Et vous vous dites, c’est un progrès par rapport à quand j’étais naïf.
Vous vous dites, je suis plus mature cynique maintenant que naïf. Beaucoup de jeunes gens deviennent cynique de manière prématuré. Comment sortir de cette impasse ? C’est une chose cruciale à savoir :

Vous faîtes confiance car vous êtes une personne courageuse, voilà pourquoi.

C’est la même raison pour laquelle vous êtes reconnaissant : c’est un signe de courage, c’est un signe d’engagement. Nous allons conclure un accord. Vous êtes un être empli de serpents, je le suis aussi, et il y a de nombreuses manières que cela pourrait ne pas marcher. Mais nous allons conclure un accord, nous allons en définir les termes, nous allons tenter de trouver un arrangement qui nous soi mutuellement bénéfique. Nous allons nous tendre la main, la serrer, et tenter de nous y tenir.
Nous allons prendre le risque de nous faire confiance, car c’est un risque à prendre, c’est le risque sur lequel est basé l’Etat. Les preuves allant dans ce sens sont nombreuses.
Je ne pense pas qu’il existe d’autre ressource naturelle plus importante que la confiance.
La confiance suppose le courage et non la naïveté. Vous devez réussir à surmonter votre cynisme pour pouvoir faire confiance.

Et vous devez également vous demander, si vous ne faites pas confiance à vos institutions :
« Allo! ce sont MES institutions » Pourquoi ne pas se bouger pour y faire quelques chose ? Et vous répondez : « Mais je ne suis pas en position de le faire ! »
Ce n’est pas vrai, ce n’est pas vrai du tout. En fait, cela ne pourrait pas être plus éloigné de la vérité dans nos sociétés. Nos institutions démocratiques ne demandent que ça, elles manquent de personnes pour s’engager.
Et si vous participez, faites entendre votre voix, avec diligence, prudence, si vous êtes une personne digne de confiance : vous pouvez avoir bien plus d’impact que vous ne le pensez.

Donc si vous êtes cynique de l’état des institutions, regardez dans un miroir.
La corruption des institutions est la réflexion directe de votre incapacité à mettre votre propre vie en ordre.
Et c’est en prenant conscience de cela, que l’on devient part souveraine de la communauté occidentale. Ce ne peut être fait par quelqu’un d’autre.

Mais qu’es ce qui me permet de prétendre être capable d’accomplir une telle tâche ?
C’est en effet très difficile.
C’est une tâche extrêmement difficile, que de prendre un système qui ne fonctionne pas trop mal, et y apporter quelques modifications qui ne l’empire.
C’est encore plus délicat de le transformer entièrement dans le but de l’améliorer.

Et si vous êtes mécontent de votre culture, peut-être pouvez-vous imaginer des petites actions à l’échelle locale qui puisse l’améliorer. Vous pouvez même commencer et vous entrainer avec des petites actions d’amélioration sur vous -même.

Faites preuve de courage, le courage est contagieux.

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